Du 30 novembre au 11 décembre 2015, la France a accueilli et présidé la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, la CoP21, aussi appelée Paris 2015, organisée sur le site de Paris-Le Bourget et qui a rassemblé près de 40 000 participants, délégués d’États, observateurs ou membres de la société civile.
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992. Cette Convention-cadre est une convention universelle de principe, qui reconnaît l’existence d’un changement climatique d’origine humaine et donne aux pays industrialisés le primat de la responsabilité pour lutter contre ce phénomène. Depuis, les négociations internationales sur les changements climatiques n’ont cessé de prendre de l’ampleur, notamment après l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto en 2005.
Dans ce cadre et à l’issue de travaux largement commentés par les média du monde entier, la CoP21 a abouti à un nouvel accord international sur le climat, l’Accord de Paris, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial « nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5° ».
Dans ce contexte, et au-delà des enjeux techniques, de nombreuses actions ont montré toute l’importance des politiques culturelles : les acteurs de la Culture, qu’ils soient créateurs, architectes, professionnels du patrimoine, de la communication, des médias et des industries culturelles, ont en effet un rôle essentiel à jouer dans cette mobilisation et dans la prise de conscience de la fragilité de l’humanité et de la planète ; la culture, parce qu’elle concerne la société dans son ensemble, est à la fois un socle et un levier pour le développement durable.
Architecture, patrimoine et changement climatique
Alors même que le changement climatique constitue un des enjeux majeurs de notre époque, la question du rôle du bâti dans cette problématique est souvent abordée sous un angle très technique : le bâtiment durable ne peut être qu’une machine innovante, performante en termes énergétiques, l’existant n’étant le plus souvent désigné que sous l’appellation peu flatteuse de passoire thermique, notion justifiant à elle seule, face à l’urgence planétaire, toutes les interventions lourdes imaginables, voire, comme punition radicale, la destruction.
C’est bien entendu passer à côté de l’essentiel. D’une part, l’architecture, parce qu’elle est une discipline de conception et d’innovation par principe, n’est pas un problème pour la planète : c’est une partie de la solution ; se priver d’architecture au profit de machines sophistiquées, c’est se priver de toutes les ressources de la réflexion humaine, de son inventivité à fabriquer avec l’environnement, le contexte, les ressources à disposition, des lieux pour les hommes. D’autre part, le patrimoine n’est pas à ranger parmi les coupables de la crise climatique : il en est d’abord une victime. La communauté scientifique a ainsi parfaitement montré, au travers de plusieurs programmes de recherches, que le patrimoine culturel est particulièrement vulnérable à l’évolution du climat.
Architecture et patrimoine à la CoP1 : deux tables rondes pour en parler
C’est pour porter cette question de l’architecture et du patrimoine face au changement climatique au cœur du débat que le ministère de la Culture et de la Communication a organisé une séquence de deux tables rondes ouvertes aux négociateurs accrédités, qu’ils soient représentants d’organisations institutionnelles ou de la société civile, sur le site même de la Conférence, dans le saint des saints du Pavillon de la France.
La première table ronde, intitulée Architecture et patrimoine durables, le bâtiment et l’urbain face aux enjeux climatiques, avait pour ambition de s’interroger sur l’opportunité représentée par la transition énergétique dans le secteur du bâtiment pour élaborer des solutions innovantes et une stratégie partagée entre les acteurs ; elle était animée par Pascal Rollet, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble, et comptait comme intervenants M. Bernard Duhem, Président de Maisons paysannes de France, Mme Catherine Jacquot, Présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, M. Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment durable. Au travers d’exemples, cette table ronde a permis de valoriser, à l’échelle urbaine et à celle du bâtiment, les solutions dont l’architecture et le patrimoine sont porteurs pour répondre avec ingéniosité et durabilité aux enjeux du changement climatique.
La seconde table ronde, intitulée Patrimoine mondial et développement durable : Conservation, préservation et mise en valeur du patrimoine face aux défis du développement et des enjeux climatiques, souhaitait aborder, à partir de la question des sites Unesco, emblèmes internationaux de la reconnaissance de l’humanité pour des éléments patrimoniaux majeurs à l’échelle de la planète, la question de la place du patrimoine dans un monde changeant. Cette table ronde réunissait M. Christian Mourisard, Adjoint au Maire d’Arles, chargé du patrimoine et du tourisme, M. Philippe Lalliot, Ambassadeur de la France auprès de l’Unesco, M. Jean-Robert Mazaud, Architecte-Urbaniste, Mme Geneviève Pinçon, Responsable du Centre national de la Préhistoire. Aujourd’hui, 1 031 biens sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco : ce patrimoine exceptionnel et universel est un héritage à transmettre aux générations à venir dans le cadre d’un développement durable maîtrisé, dont il est, sur le temps long de l’histoire des hommes et de leurs milieux, le témoignage le plus emblématique. La gestion de ces sites culturels ou naturels doit ainsi jouer un rôle d’exemplarité, en étant certes tournée vers la préservation, mais aussi insérée dans une réflexion plus large intégrant la notion de paysage culturel, l’implantation de grands équipements durables et les stratégies d’adaptation aux changements climatiques.
Au-delà de la CoP, une vie pour l’architecture et le patrimoine
Organisée du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech, au Maroc, la prochaine CoP, la 22e, aura pour objectif de mettre en application l’Accord de Paris. Si ce calendrier international et médiatique met évidemment l’accent sur les initiatives en faveur du développement durable, en France comme ailleurs, l’architecture et le patrimoine n’ont pas attendu pour se mettre en mouvement.
Dans les écoles d’architecture comme dans les pratiques des professionnels, l’heure est bien à la transformation des attitudes : le développement durable devient l’un des éléments essentiels de la conception et s’intègre ainsi progressivement, dès la formation initiale et comme une évidence, au travail même des architectes. Entre solutions high tech et low tech, entre matériaux nouveaux et matériaux traditionnels, l’architecture cherche son chemin souvent avec succès.
En ce qui concerne le patrimoine bâti existant, celui du quotidien, il s’agit plutôt de trouver des solutions lui permettant d’évoluer de manière satisfaisante, en respectant toujours l’esprit initial de la conception et en s’appuyant sur les qualités du bâti, qu’il s’agisse de restaurer, de rénover ou de réhabiliter, toutes solutions préférables à une destruction forcément dommageable pour l’environnement.
Enfin, le patrimoine protégé lui aussi s’adapte, évolue avec les impératifs de son temps et doit donc tenir compte du changement climatique dans la manière dont il se comporte : parce que ses qualités sont reconnues, le bâtiment protégé bénéficie d’interventions plus maîtrisées et pensées et doit donc à ce titre servir de modèle et d’exemple de durabilité.
Faire d’un problème identifié un élément de solution, d’un coupable trop souvent condamné une victime à sauver : tels sont aujourd’hui, face au changement climatique, les enjeux pour l’architecture et le patrimoine.